Pour les pompiers en reconversion, il peut parfois difficile de trouver une nouvelle carrière qui soit à la hauteur de leurs compétences et de leurs passions. La transition de carrière peut être délicate, mais il existe de nombreuses options de carrières pour les aider à se lancer. Notamment dans les domaines de l’ingénierie et du bureau d’études. Ils peuvent explorer d’autres alternatives professionnelles, tels que la sécurité, la gestion de crise et la formation.
Quel que soit le choix de carrière final, il est important pour les pompiers en reconversion de prendre le temps de réfléchir à leurs options et de trouver une voie qui leur convient.
Damien ERICHER est recruté en 2002 en tant que personnel technique et administratif par le SDIS de Seine-Maritime suite à l’obtention de son diplôme d’ingénieur. Son rôle est alors de superviser l’achat des véhicules roulants. Il passe le concours de lieutenant de sapeurs-pompiers professionnel. Il travaillera 12ans dans le secteur du Havre en centre de secours. Par la suite, il est recruté par Cyrus Industrie, en tant qu’ingénieur d’études. Son expérience dans le privé durera 3 ans avant de retourner chez les pompiers dans le merveilleux SDIS du 44.
Pourquoi avoir quitté le secteur public après 12 ans de métier ?
Damien ERICHER :« J’avais l’impression d’avoir fait le tour du métier. Avec une administration trop lente, il était difficile de faire avancer les projets avec des budgets réduits et des contraintes réglementaires trop strictes. C’était compliqué de faire bouger les choses.
Je suis ingénieur de formation, je voulais voir le côté technique du métier de l’incendie et les bureaux d’étude sont attirés par les profils pompiers orientés vers l’opérationnel.
Arrivé chez Cyrus Industrie, je pensais en connaître suffisamment pour être bon en sécurité incendie… Mais finalement, je me suis aperçu que je n’y connaissais rien, c’est un autre monde.
En revanche, mon profil préventionniste ou de gestionnaire de crise était un plus, apprécié par les clients industriels »
La vision d’un pompier sur la sécurité incendie en milieu industriel
D.E :« Un industriel a pour priorité de répondre aux exigences de son assureur. Il doit être certain que son arrêté préfectoral soit accordé par l’autorité préfectorale afin d’assurer la continuité de son activité et que cela lui coûte le moins cher possible.
En tant qu’ancien pompier, j’avais une vision très dogmatique : je pense protection des biens et des personnes, et l’industriel l’aspect plutôt financier, l’impact que ça peut avoir sur sa future exploitation. »
Tu connaissais les moyens de sécurité incendie qu’un industriel utilise ?
D.E : « Non, notre formation est principalement orientée sur l’intervention et la gestion de sinistre. Seuls les pompiers, spécialisés en prévention, sont formés principalement sur les dispositifs de détection imposés dans les Établissements Recevant du Public (ERP). Nous ne sommes pas sensibilisés à tout ce qu’il existe.
Il faut rappeler que la prévention industrielle ne fait pas partie des missions régaliennes des services d’incendie et de secours. Ce sont les Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) qui en ont la charge. Dans le cadre de l’instruction de leur dossier, les SDIS sont néanmoins régulièrement sollicités afin d’apporter un avis sur la défense incendie et l’accessibilité du site.
Mais un sprinkler, c’est un moyen d’extinction peu connu : si tu demandes à un pompier : comment fonctionne un sprinkler ? Peu d’entre nous sont capables de te le décrire techniquement et de te mentionner la réglementation qui s’y applique. On te dira juste que c’est fait pour éteindre un incendie.
Il en est de même pour le SSI, on connaît de nom, c’est pareil, peu de pompiers sont capables de connaître la procédure de réarmement, à part certains sapeurs-pompiers volontaires qui en disposent dans leur activité professionnelle.
Nous, les pompiers on ne pense pas forcément à tout ce système de protection afin de diminuer les risques, on agit lorsque le feu fait déjà ravage donc que tous ces dispositifs n’ont pas ou mal fonctionné »
En bureau d’étude, qu’est qui ta déplu ?
D.E : « Je suis arrivé dans un métier en me disant, je sais plein de choses avec mon profil de pompier et d’ingénieur en véhicules incendie, pour finalement me rendre compte que je n’y connaissais pas grand-chose en termes de sécurité incendie industrielle.
Mais d’un autre côté, je pense avoir apporté une culture opérationnelle et de gestion de crise. Cela passe par l’aspect alimentation, la méthodologie d’extinction, les moyens d’intervention qu’ont les pompiers, les enjeux de sécurité civile… Tout ce qui est peu connu dans un bureau d’étude incendie.
« Les pompiers arrivent en 15minutes ! » Non ça ne se passe pas comme ça en réalité, c’est beaucoup plus complexe, il y a plein de choses au niveau opérationnel qui ne sont pas connues, et que le pompier apporte.
Malgré moi, j’ai une culture du service public, ce n’est pas la même philosophie que dans le privé. Une entreprise doit avant tout être rentable, ce qui est légitime : une boite doit continuer de vivre. Je voyais d’abord la qualité de mon travail avant sa rentabilité*.
Surtout que je passais le temps pour faire de la qualité, pas pour être rentable. J’avais tendance à prodiguer des conseils gratuitement, alors que j’aurais pu les faire facturer. »
Tu aurais un conseil pour une reconversion professionnelle d’un pompier ?
D.E : « On a l’image et la culture des pros du feu et l’incendie, c’est notre domaine. Les retranscrire dans le privé/l’industrie, ce n’est pas aussi simple, on attend beaucoup d’études et une solide connaissance des référentiels, chose que tu n’apprends pas forcément. C’est un changement radical de vie.
Cependant, il est possible d’apporter une réelle plus-value dans le milieu industriel par notre expérience du feu, qui manque cruellement dans la façon dont sont abordées les études de sécurité incendie : elles sont trop souvent théoriques et réglementaires.
Nous sommes en mesure d’y apporter une vision pragmatique grâce à notre expérience d’intervenants. »
Merci à Damien ERICHER pour son temps et son retour d’expérience : https://www.linkedin.com/in/damien-ericher-32a791115/
*note d’ATOSSA, ce propos ne se veut pas spécifique à Cyrus Industrie, mais bien à l’ensemble du secteur privé. Par exemple chez Atossa, on doit aussi faire suffisamment de chiffre pour se payer en fin de mois 😉
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