Les feux de forêt, une menace pour l’avenir de l’humanité ?

par Ronan NICOLAS | 19 août 2021 | incendie, Pompier

Les feux d’espaces naturels sont en pleine extension et font chaque été les gros titres. Dans cet article, Atossa se penche sur le fonctionnement du phénomène et s’intéresse au futur des feux de forêts.

Quelles sont les origines des incendies d’espaces naturels

L’activité humaine peut déclencher des incendies de forêt de nombreuses façons, que ce soit de manière accidentelle ou intentionnelle. En France, 60 % des incendies de forêt sont causés par des activités humaines. Elles peuvent être le brûlage à l’air libre, l’utilisation de moteurs ou de véhicules, l’abandon de substances brûlantes comme les cigarettes. De façon générale est concernée toute activité humaine susceptible de créer une étincelle ou une source de chaleur suffisante pour déclencher un incendie de forêt. Les incendies d’origine humaine sont majoritairement évitables. Nous avons tous intérêt à sensibiliser nos proches à ce risque.

Extrait du dossier de presse feux de forêt 2021

La grande majorité des incendies de forêt d’origine naturelle sont déclenchés par la foudre. Lorsque la foudre frappe, elle peut créer suffisamment de chaleur pour enflammer un arbre ou une autre source de combustible.

Les arbres frappés par la foudre représentent un danger délicat. Le feu peut se développer dans leur cœur. Le feu se propage alors dans l’arbre qui menace à tout moment de s’effondrer sur la végétation proche ou sur les pompiers qui souhaitent l’éteindre…

Bien qu’il soit impossible de prévenir les incendies de forêt causés par la foudre, il est possible d’en réduire les conséquences notamment en ayant recours aux brûlages dirigés.  

En théorie, d’autres causes pourraient entrer dans la catégorie des incendies de forêt naturels, notamment les chutes de pierres, les météorites ou les volcans, mais la probabilité de ces phénomènes reste extrêmement rare…

Quels sont les combustibles d’un incendie naturel ?

De façon générale, la végétation dans son ensemble est susceptible de brûler. Cependant, selon la vigueur de l’incendie, tous ne brûleront pas de la même façon.

Le feu se développe sur les combustibles légers comme les herbes sèches, les feuilles mortes ou encore les broussailles puis se propage à des combustibles lourds comme les buches ou des souches.

Tout un chacun a déjà fait cette constatation lors de l’allumage d’un barbecue. Pour l’expliquer, il faut se rappeler que la matière doit être chauffée. Plus la masse est importante, plus il lui faut de l’énergie et du temps pour monter en température. La feuille d’arbre va ainsi chauffer de façon quasi instantanée et ainsi pyrolyser. La pyrolyse est une transformation d’une matière sous l’action de la chaleur et libérant des gaz combustibles. Pour qu’un végétal brûle, il doit être chauffé entre 200°C et 300°C. En brûlant, le gaz va ensuite chauffer par rayonnement les éléments proches. Les autres feuilles vont monter en température puis à leur tour s’enflammer. Au contraire, il faudra plus de temps pour que les branches s’échauffent jusqu’à la température de pyrolyse.  En revanche une fois cela fait, elles pourront brûler plus longtemps.  

Comment se propage un incendie d’espace naturel ?

L’incendie de forêt se propage du fait d’une action croisée de différents phénomènes :

  • La conduction permet à la flamme de se propager entre deux matières qui sont en contact.
  • La convection propage le feu aux matières qui entrent en contact avec le panache de fumée
  • Le rayonnement des flammes assèche et chauffe la matière qui « voit » le feu.

Selon les configurations, les différents modes de propagation peuvent chacun devenir prédominants. Cette propagation se traduit par un front de flamme dont l’extrait vidéo ci-dessous permet de se faire une idée.

Feu de forêt vu à 360° par le NIST

L’incendie de forêt se caractérisera notamment par le fait que le feu se propage ou non aux cimes des arbres. Ceci augmente dramatiquement la taille de la flamme et donc la puissance de l’incendie.

Un mode de propagation peu connu du grand public, mais non moins redoutable est l’envol d’escarbilles. Imaginez un arbre en feu. Il se consume et des particules incandescentes s’en détachent. En temps normal elle retomberait au sol. Si l’incendie est important, le courant d’air généré dans le panache de fumée peut être très puissant. La particule enflammée, autrement nommée escarbille, peut alors être emportée dans les courants d’air ascendant et retomber plus loin.

L’aérodynamisme de l’élément en feu joue ici un rôle majeur. Une simple feuille sera facilement freinée et se consumera rapidement. Elle ne pourra donc parcourir une distance importante. Au contraire, les écorces d’eucalyptus sont particulièrement redoutables. On estime que la distance pouvant être parcourue par des escarbilles peut couramment atteindre les 3 à 7 km. La plus grande distance mesurée a été de 29 km lors du feu de Victoria en Australie en mars 1965.

Ce risque de propagation est relativement difficile à anticiper. Il existe des modèles pour évaluer la distance parcourue. Cependant, ils nécessitent d’être alimentés par des informations telles que la propension du terrain à produire des escarbilles et les caractéristiques de ces dernières. Le danger est pourtant réel, car ce mode de propagation peut générer des fronts de flammes secondaires pouvant piéger les équipes d’interventions. Pour mémoire, les feux de végétations sont une des plus grandes menaces pour les pompiers. Ils figurent parmi les causes les plus fréquentes de décès en opération.

Quels éléments favorisent la propagation d’un incendie ?

La topographie peut se révéler être un des moteurs d’un incendie.

  • Les incendies aiment les pentes. Plus elle est forte, plus le feu est rapide. Ceci s’explique par le fait que la pente réduit la distance horizontale entre les végétaux. Par ailleurs, la matière enflammée tombant des arbres pourra dévaler la pente et propager l’incendie.
  • Réchauffées par le soleil, les pentes peuvent générer des vents bien connus des amateurs de parapente, mais alimentant l’incendie.
  • L’orientation peut aussi être un facteur aggravant. Une parcelle exposée au Sud sera ainsi généralement plus sèche que son équivalente au Nord.

Pour que le feu se développe, l’un des facteurs est l’état de la végétation.

  • On s’intéressera ainsi à sa densité. Plus celle-ci est dense, plus l’énergie libérée par la combustion sera importante. Par ailleurs, l’espace entre les éléments combustible étant statistiquement plus réduit, les flammes pourront se répendre d’autant plus facilement.  Les incendies les plus chauds et les plus difficiles à maîtriser se produisent généralement dans les zones contenant la plus grande quantité de combustible.
  • On s’intéressera aussi bien entendu à son hygrométrie. La sécheresse est évidemment l’une des variables clefs dans la propagation d’un incendie : le climat sec méditerranéen le rend plus vulnérable aux incendies. Ce n’est pas un hasard si, en toute impartialité, les forêts bretonnes sont si belles grâce à leurs multiples chênes centenaires… Tant que la végétation conserve une humidité importante, le feu s’y développe difficilement, car il doit vaporiser l’eau qui s’y trouve. Ce processus absorbe énormément d’énergie autour de 100 °C. Il retarde donc la montée en température de la matière. Or, tant qu’il n’y a pas une température suffisante, il n’y a pas de pyrolyse et le feu n’est pas possible.

Les conditions météo jouent un rôle crucial sur le risque de feu naturel. Quatre facteurs sont ainsi prédominants :  

  • L’humidité relative de l’air est un indicateur particulièrement intéressant, car à lui seul, il permet d’estimer le risque de feu de forêt. Le risque d’incendie sera ainsi particulièrement préoccupant lorsque le taux d’humidité de l’air est inférieur à 40%. Un air sec favorise en effet l’assèchement des matières végétales fines telles que les feuilles et herbes.
  • Le vent est un facteur aggravant bien connu. Il contribue à oxygéner le feu, augmentant ainsi son intensité. De plus, en poussant le panache de fumée, il « préchauffe » par convection les végétaux non encore atteints par le front de flamme. Enfin, il favorise l’envol d’escarbille.
  • La stabilité thermique de l’atmosphère basse est le facteur le moins connu. Il a été identifié dans les années 1950. En pratique, si la température chute rapidement avec l’altitude, la vitesse verticale du panache augmente et crée un appel d’air au niveau du foyer. Cela se traduit par une accélération du vent ressenti au niveau du sol.

Pourquoi est-il si difficile de maitriser un feu de forêt ?

Pour maitriser un feu, il existe deux grandes méthodes : laisser brûler en contrôlant la propagation ou refroidir le foyer pour stopper la pyrolyse. Dans les espaces naturels, les services de secours sont généralement confrontés à la difficulté d’approvisionnement en eau.

Dès lors que le feu prend une trop grande ampleur, il devient très difficile de l’éteindre. En effet, d’une part la puissance libérée par un incendie peut être monstrueuse. Pour les feux de forêt les plus intenses, 15 m d’un front d’incendie dégage une puissance de 1 500 MW soit l’équivalent d’une tranche de centrale nucléaire. On comprend qu’il devient illusoire de l’éteindre. Seule stratégie restante, le contre-feu : il s’agit de brûler la matière de façon maitrisée avant que le front de flamme ne l’atteigne. De cette façon, la matière combustible disparait et l’incendie redevient contrôlable.

Il est dès lors crucial d’anticiper le développement de l’incendie. Pour comprendre comment se développe un feu de forêt, il faut comprendre comment il se propage. Il peut se propager en étant poussé par le vent. Sa vitesse de progression dépend alors essentiellement de celle du vent. Il peut aussi se développer par l’action du rayonnement thermique. Dans ce cas, sa propagation est notablement plus complexe à anticiper.

En analysant l’incendie, le pompier doit donc estimer sa capacité à maitriser le feu en fonction de ses moyens disponibles. Il va ensuite établir sa stratégie de lutte en fonction des zones à protéger. Il est donc nécessaire d’anticiper les conséquences de l’incendie.

Quels sont les risques associés aux feux de forêt ?

Les risques associés aux feux de forêts sont multiples. Elles concernent l’ensemble des missions du sapeur-pompier.

La sécurité des humains est la priorité des sapeurs-pompiers. L’évolution d’un feu peut nécessiter l’évacuation de villages, mais aussi de villes entières. Cela génère des scènes pré apocalyptiques dignes des films d’Hollywood, mais bien réelles. En effet, les personnes peuvent être prises dans les flammes, mais aussi s’asphyxier du fait des fumées. Leur toxicité peut d’ailleurs faire peser un risque sur la santé des citoyens.

La préservation des biens est aussi mise en jeu. C’est particulièrement le cas dans les zones d’interfaces entre les espaces naturels et les espaces urbains. Malheureusement ces éléments ne sont pas mobiles. Le rôle des politiques de développement urbain est ainsi prédominant.

La préservation de l’environnement est aussi remise en cause. L’incendie a pour conséquence directe la destruction de la faune et la flore localement. Il peut aussi induire une forte pollution des cours d’eau et augmenter le risque d’inondations dans son bassin versant.

L’ensemble de ces risques rendent cruciale la capacité des services de secours à prévoir le développement du feu pour prioriser son action. L’objectif reste de maitriser au plus vite l’incendie et d’en limiter les dégâts.

Comment prévenir le risque incendie?

Le risque incendie peut être notablement réduit en limitant la masse combustible disponible pour le feu.

De façon générale, il s’agit du débroussaillement. Il faut savoir que diverses obligations incombent aux propriétaires :

  • En zone rurale, les maisons ne doivent pas être situées à moins de 50 m d’un bois ou d’un foret. Les propriétaires ont pour obligation de maintenir éloignée la forêt de l’habitat.
  • En zone urbaine, cette obligation est portée à 200 m.

Dans la réalité, on constate régulièrement que la végétation entoure très largement certains lieux de vie. La limite est parfois fine entre le bois et le jardin…

Le pastoralisme joue aussi un rôle important dans la prévention incendie de nos espaces naturels. Il permet une action forte sur un vaste milieu.

Qu’est-ce qu’un méga incendie ou un Giga-incendie ?

La désignation de méga-incendie ou giga-incendie est liée à sa taille. Le terme est d’origine américaine. Méga est le préfixe du million (106 ) et giga celui du milliard (109 ). Dès lors que la surface d’un feu, ou un ensemble de feux corrélés dépassent le million d’acres, soit 400 000 hectares il est classé comme méga incendie. En toute logique, le giga-incendie dépasse lui le milliard d’acres, soit 400 000 000 hectares.

Comment un incendie peut-il créer sa météo ?

Le panache d’un incendie se caractérise par une chaleur importante et un taux d’humidité non négligeable ; l’humidité de la végétation est vaporisée avant de brûler. En s’élevant, la fumée va entrer au contact de masse plus froide et relâcher sa vapeur. Se forment ainsi des nuages. Pour imager le phénomène, on pourrait comparer le panache (et l’air en général) à une éponge. Lorsqu’il est chaud, il se charge en humidité de la même façon qu’une éponge absorbe l’eau sur une table. Lorsqu’il monte en altitude il se refroidit et se contracte. Cela revient à compresser l’éponge qui va alors relarguer son eau.

Pour plus d’information, nous vous invitons à explorer l’excellente page Wikipédia associée au pyrocumulus, le nom des nuages générés par les incendies.

Comment se forment les tornades de feu ?

Les turbulences générées par un incendie peuvent créer des phénomènes particulièrement spectaculaires tels que les tornades de feu. En pratique, elles se forment mécaniquement lorsque la vitesse verticale du panache de feu est importante. Il se crée alors un appel d’air qui entraine une vitesse verticale de l’air vers le foyer tout autour de ce dernier.

On peut observer un phénomène analogue de tourbillon qui apparait lorsque l’on vide un évier. La vidéo suivante illustre très bien cette mécanique.

Pourquoi a-t-on de plus en plus d’incendies ?

Différents facteurs sont à l’origine de l’augmentation de la fréquence des incendies de forêt. Le changement climatique entraine une hausse des températures moyennes et augmente le risque de sécheresse déjà décrit précédemment. La variation du climat confronte les forets à des conditions de vie auxquelles elles n’ont pas eu le temps de s’adapter. Elles sont alors d’autant plus vulnérables aux diverses maladies. Ces dernières sont une menace particulièrement prégnante sur les forêts dont les essences d’arbres sont peu diversifiées. Dans ces espaces, la proportion d’arbres morts peut devenir particulièrement forte. Le bois mort possède une teneur en eau moindre et facilite donc le développement et la propagation d’un incendie.

Les prévisions du GIEC sont malheureusement très graves concernant l’augmentation du risque incendie à l’échelle de notre planète.

Quelles sont les prévisions du GIEC sur l’évolution du risque incendie dans le monde ?
Risque incendie en Afrique

Les conditions météorologiques favorables à l’apparition d’incendie vont être plus fréquentes dans toutes les zones extratropicales d’ici la fin du siècle. Ce risque est particulièrement fort en Afrique du Nord et en Afrique du Sud où les sécheresses et les températures moyennes vont tendre à être plus violentes avant la 2050.

Prévision de l’évolution du risque incendie en Asie

Si l’objectif d’une augmentation moyenne des températures de 2°C est maintenu, la durée et la violence des périodes de feu vont augmenter, impactant fortement l’Inde, la Chine et la Russie dans la première moitié du 21e siècle. Les surfaces brûlées dans 5 pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan, Uzbekistan et Turkménistan) pourraient augmenter de 2% à 8% d’ici 2030 et de 3 à 13% d’ici 2080 par rapport à la moyenne observée entre 1970 et 2000.

Australie et Nouvelle-Zélande

L’augmentation de la température moyenne et la réduction des précipitations durant l’hiver vont augmenter le risque d’incendie en Australie. La saison des feux devrait s’allonger en débutant au printemps. Son paroxysme sera atteint à la fin du printemps. Les changements atmosphériques combinés aux feux d’espaces naturels vont renforcer la probabilité d’apparition de pyrocumulus.

En Nouvelle-Zélande, le nombre de jours caractérisés par un risque d’incendie extrême devrait augmenter de 40% d’ici les 20 prochaines années. L’aggravation sera plus forte sur la côte Est du pays.

Amérique du Sud

Les feux de forêts vont s’intensifier en nombre, durée et surface brûlée dans le centre du Chili. L’Amazonie est l’une des régions du monde où l’augmentation du risque incendie sera la plus forte au cours du 21e siècle. Les projections indiquent une forte augmentation du risque en Amérique centrale, dans Sud et l’ouest de l’Amérique du Sud. Cette augmentation reste fortement liée à l’usage qui sera fait des terres par les populations.

Europe

Les risques d’incendie ont augmenté depuis 1980 dans diverses régions d’Europe incluant notamment la zone méditerranéenne. Ce risque va continuer à augmenter pour l’ensemble de l’Europe, en particulier pour la zone Ouest, Est et centrale. La zone méditerranéenne sera la plus impactée. D’ici trente ans, les projections indiquent une augmentation de la surface brûlée de 40% et 100% respectivement pour les scénarios à 2°C et 3°C.

Amérique du Nord

Il a pu être observé une augmentation des incendies d’espaces naturels au Mexique, dans l’ouest et Nord-Ouest américain. Il a été établi que la cause était l’augmentation de la fréquence de la foudre conjointe à l’augmentation des températures et de la sécheresse.

Sur la base d’un scénario limité à 2°C, il est attendu un allongement critique de la saison des incendies avec une intensité accrue.  Cela pourrait se traduire par une augmentation du taux de particule dans l’air et réduire la visibilité dans de nombreux parcs nationaux de l’Ouest américain.

Les températures en Alaska pourraient s’élever au-dessus de 13.4 °C, seuil à partir duquel la toundra et la forêt boréale pourraient connaitre des incendies.

Les Caraïbes et iles du pacifique.

Les modèles ne sont pas suffisamment aboutis pour statuer sur l’évolution du risque incendie sur des iles.

Cet article touche à sa fin et nous espérons qu’il aura contribué à vous sensibiliser sur le risque d’incendie en milieu naturel. Nous vous encourageons à le partager auprès de vos proches pour les sensibiliser à leur tour.

N’hésitez pas à commenter ou nous contacter pour toute question.

Atossa est un bureau d’études incendie spécialisé dans le milieu industriel.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *