Pompier industriel, plus sapeur que pompier?

par Ronan NICOLAS | 10 janvier 2022 | Pompier

Lors d’une récente rencontre, un industriel m’a confié sa colère face aux pompiers. En cause, un incendie sur l’un de ses sites où il avait été spectateur de la disparition de son outil de travail. Pire, les services de secours lui interdisaient d’évacuer les engins restés abrités dans le bâtiment en proie aux flammes. Une impuissance difficile à digérer.

Ce témoignage est récurrent chez les industriels. En cause, le hiatus entre l’image populaire du pompier et la réalité des interventions. L’objectif de cet article est d’expliquer la logique derrière l’attitude des pompiers.

Les origines du mot « Sapeur »

Le mot « sapeur » daterait de 1547 ! Il désigne ceux dont le rôle est de détruire les bâtiments. Les pompiers étaient passés maîtres dans cette technique, car elle était la seule efficace pour stopper la propagation des grands incendies. Cette technique reste de mise de nos jours ! [4]

Quelles sont les missions des sapeurs-pompiers ?

Il est nécessaire de rappeler la mission des services de secours. Elles sont au nombre de 4[1] :

1 – La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ;

2 – La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ;

3 – La protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement ;

4 – Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation

En pratique, on retiendra personnes > animaux > biens > environnement. De façon immédiate, on comprend donc que le pompier cherchera avant tout à minimiser le risque portant atteinte à l’intégrité physique des individus. Cette logique met du plomb dans l’aile à la devise « sauver ou périr ». La balance risque-bénéfice est toujours réalisée et un pompier (dont 80% sont des volontaires !) pourra toujours choisir de ne pas intervenir.

Le pompier va donc éviter d’exposer des vies et ne va pas prendre de risque inconsidéré, a fortiori pour sauver des biens. On comprend donc maintenant pourquoi on écarte du risque les collaborateurs d’un site industriel ; ils peuvent s’exposer de façon inconsidérée, galvanisés par la destruction de leurs outils de travail et inconscient des risques.

Les bâtiments industriels sont sensibles au risque de ruine

Les bâtiments industriels sont très souvent construits en ossature métallique. Sa résistance au feu sera structurellement difficilement supérieure à 15 min. Ce temps est à comparer aux délais compris entre 20 min et 30 min pour arriver sur les lieux, effectuer la reconnaissance et enfin intervenir. Dès lors que le feu prend des proportions importantes, il ne sera plus possible d’intervenir sans risquer la vie des services de secours. Il ne sera logiquement pas plus permis à l’exploitant de pénétrer dans le bâtiment en flammes – quel que soit l’enjeu financier.

Caractéristiques des feux industriels

Les feux industriels sont très différents d’un feu de pavillons ou d’un feu d’espace naturel. Ils se caractérisent par un potentiel calorifique qui rend les pompiers impuissants. En effet, pour éteindre un feu, en pratique on lui applique de l’eau. Mais de la même façon qu’un feu de la Saint-Jean ne peut être éteint avec un pistolet à eau, un incendie industriel pleinement développé peut s’avérer impossible à éteindre par les pompiers. Pour s’en convaincre, un rapide calcul est utile.  Considérant un feu de bois 225 m² (15m x 15m x 1m), ce dernier aura une surface en feu de 285 m², soit une puissance générée d’environ 88 MW. Si ce bois est à l’état fragmenté, comme c’est le cas pour des palettes, cette puissance sera multipliée par 3 !

En se reportant au passionnant travail[2] du capitaine BETRAND (SDIS 49), cette énergie pourrait théoriquement être absorbée par un débit d’eau de 330 m³/h. Cependant, en pratique seule une fraction de l’eau est effectivement vaporisée par le foyer. Une part de l’eau est en effet vaporisée par les fumées et une autre part n’atteint pas la cible ou ruisselle trop vite pour être totalement vaporisée. La portion de débit réellement efficace est ainsi estimée à environ 20%. Il faut donc 1670 m³/h pour absorber un simple stock de palettes de 225 m² en flammes. Ceci correspond à plus du double du maximum prévu par la réglementation du D9. Il nécessiterait 12 fourgons pompes tonnes (FPT) et 72 sapeurs-pompiers !

Il est clair que les stocks rencontrés en milieux industriels peuvent représentés une charge calorifique bien plus importante que 225 m³ de palettes… Chaque industriel pourra mesurer sa vulnérabilité à l’incendie !

Pire, attaquer le feu peut s’avérer contre-productif en ne faisant qu’augmenter la durée du sinistre. En effet, le feu ne pourra être éteint que lorsque la puissance sera basse. Or, la puissance absorbée par l’attaque va mécaniquement allonger la durée du sinistre, sans on l’a vu, permettre la maîtrise de ce dernier. On comprendra donc qu’un pompier puisse « simplement » compartimenter le feu sans chercher à l’attaquer.

Durée du feu

Un sapeur-pompier est aussi un sapeur

Cette réalité est si banale qu’on en oublie sa signification. Le terme de sapeur-pompier provient de la gestion traditionnelle des incendies. La stratégie consistait alors à faire « la part du feu » et saper les fondations d’un bâtiment pour stopper la propagation de l’incendie. Cette stratégie pouvait permettre de limiter l’incendie à « seulement » un quartier. Les services de secours disposaient d’une ressource en eau très limitée, constituée par les quelques puits et plans d’eaux disponibles.

Le petit « P » à côté du numéro permettait aux pompiers d’identifier rapidement les propriétés équipées d’un puits. Plusieurs exemples sont ainsi visible rue Mathelin Rodier à Nantes https://www.google.fr/maps/@47.2169976,-1.5503643,3a,75y,252.75h,96.33t/data=!3m6!1e1!3m4!1szZrYD-SkiB2u15dqbUZhUg!2e0!7i13312!8i6656

Détail d’un tableau de 1666, par un artiste inconnu, représentant le grand incendie de Londres
« Le grand incendie de Londres est un violent incendie qui ravage le centre de la ville de Londres du dimanche 2 septembre au mercredi 5 septembre 1666. Il brûle 13 200 maisons et 136 églises » ». À cette époque, « La loi exige que les clochers de chaque église paroissiale proposent l’équipement nécessaire à la lutte contre les flammes par la démolition et l’eau : de longues échelles, des seaux en cuir, des haches et des « crochets à incendie » pour abattre les bâtiments. Il arrive que des bâtiments plus élevés soient abattus à l’aide de poudre à canon : des explosions contrôlées permettent un travail rapide et efficace ».[3]

Les pompiers d’aujourd’hui appliquent simplement la même méthode dans un environnement industriel, ils combattent la propagation et attendent que le feu se consume de lui-même.

Un industriel se doit d’être autonome dans sa stratégie de défense incendie.

À la lumière des informations, nous espérons avoir convaincu le lecteur de la nécessité pour un industriel de ne pas baser sa stratégie sur les services de secours. Il ne devrait pas non plus avoir de ressentiment lorsque ces derniers concèdent à l’incendie une partie de son outil de travail.

Une détection incendie adéquate peut permettre dans certains cas de laisser le temps aux pompiers d’intervenir alors que le feu est encore maîtrisable. Une part des incendies couvent de nombreuses heures avant de se développer franchement. Une protection incendie judicieuse telle que le sprinkler est la solution la plus efficace pour éviter que l’installation brûle. À ce titre, le sprinkler fait office de garantie « poids lourd » avec une efficacité prouvée à plus de 95% sur la base de statistiques collectées depuis plus de 50 ans.  À défaut, un compartimentage limitera la taille du feu à une seule partie du bâtiment ; un bon mur facilite énormément le travail des services de secours.

N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez réduire la vulnérabilité de votre site face à l’incendie.


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Rapide logique sur la conception et l’implantation d’un site industriel :

  • 10m pour source et aire de manœuvre pompier ;
  • 5 m entre stocks ;
  • 100 m entre source ;
  • 3 kW pour les pompiers ;
  • 8 kW pour les bâtiments.

[1] Article L 1424-2 du Code générale des collectivités territoriales 

[2] Dimensionnement des moyens de lutte contre les feux de grands volumes de type « entrepôts » – Mathieu BERTRAND – 2020 – Ce mémoire a été récompensé par l’ENSOSP

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_incendie_de_Londres

[4] http://institutions.ville-geneve.ch/fr/bm/interroge/archives-questions-reponses/detail/question/quelle-est-la-signification-du-mot-sapeur-dans-celui-de-sapeur-pompier-br/


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