La rouille est la menace principale qui pèse sur la pérennité d’une installation de protection incendie tels que les sprinklers. Elle peut provoquer des fuites, induisant des dégâts des eaux et finalement le remplacement du système. La facture est rapidement salée. Plus grave, elle peut rendre inefficace la protection en réduisant la densité d’eau appliquée ; elle génère non seulement des fuites, mais peut tout bonnement obturer les réseaux.
Cet article cherche à définir la corrosion, comprendre en quelle mesure les différents systèmes de protection incendie y sont sensibles. En tant que bureau d’étude sécurité incendie risques spéciaux, nous apportons bien entendu les solutions ! 😉
Qu’est-ce que la corrosion ?
Dans un environnement humide, la rouille est en pratique une réaction électrochimique. Elle implique un transfert d’électron entre une anode et une cathode. L’anode s’oxyde en perdant un électron. On pourra ainsi identifier les réactions anodiques suivantes :
M → Mn+ + ne–
Fe → Fe2+ + 2e–
Zn →Zn2+ + 2e–
Cu → Cu2+ + 2e–
Al → Al3+ + 3e–
Au contraire, la cathode est réduite en gagnant un électron. En fonction des milieux et plus particulièrement de son pH, la réaction cathodique prédominante sera différente. On aura ainsi dans les milieux acides principalement une réaction de dégagement d’hydrogène et une réduction d’oxygène :
2H+ + 2e- → H2
O2 + 4H+ + 4 e– → 2 H2O
Dans les milieux basique ou neutre, une autre réaction de réduction d’oxygène sera prédominante :
O2 + 2H2O + 4E- → 4OH–
Le phénomène de corrosion est assimilable au fonctionnement d’une pile[1]. Il nécessite la présence d’une solution aqueuse.
Qu’est-ce que le triangle de la corrosion ?
Par analogie au triangle du feu, il est possible de simplifier le risque de corrosion par la présence de trois éléments : l’oxygène dissous (la cathode), l’eau (solution aqueuse) et le métal (l’anode). On peut ainsi représenter le « triangle de la corrosion ».
En pratique, on comprendra vite que cette configuration se rencontre dans tous les systèmes de protection incendie.
- Les systèmes en eaux tels que les réseaux sprinklers classiques possèdent une part d’oxygène dissoute dans l’eau. Par ailleurs le remplissage des réseaux peut piéger des poches d’air. Les opérations de maintenance comme le fonctionnement de la protection entrainent un apport d’eau fraichement oxygénée. Enfin, les caractéristiques physico-chimiques de l’eau peuvent être propices à la corrosion microbienne. 35 % des systèmes en eaux connaissent des problèmes importants après 25 ans.
- Les systèmes remplis d’air comprimé (type sprinkler sous air) peuvent au contraire être mal vidangés et contenir des eaux résiduelles. L’air emplissant le réseau peut contenir de la vapeur d’eau risquant de se condenser. 70 % des systèmes de sprinkler sous air présentent des problèmes de corrosion importants dans les 12,5 années suivant leur installation.
- Les systèmes ouverts type déluge sont particulièrement vulnérable au risque de condensation faisant apparaitre des poches d’eau stagnante dans le réseau.
Quelles sont les différentes formes de corrosion menaçant les réseaux de sécurité incendie ?
Il existe 9 formes de corrosion différentes[2]. Elles sont les suivantes :
La corrosion uniforme (ou générale) ;
Elle se caractérise par une épaisseur de corrosion équivalente sur l’ensemble de la surface métallique.
La corrosion galvanique ou bimétallique ;
Elle se produit par la mise en contact de deux métaux de nature différente[3]. En pratique, cette mise en contact accélère la corrosion d’une des pièces métalliques et ralenti celle de l’autre. On constatera donc un vieillissement accéléré de l’installation au point de contact.
Corrosion galvanique extrait du très complet rapport FM Global » Corrosion and corrosion mitigation in fire protection systems «
La corrosion par piqûres ;
Elle est causée par la formation localisée d’une cavité présentant des conditions physico-chimiques particulières (présence de chlore, pH ~ 2 …). Ces cavités sont difficiles à détecter, car elles sont recouvertes de produits de corrosion les isolants de la canalisation. Ce phénomène est important et à distinguer d’une corrosion uniforme. Dans un cas il faudra intervenir localement sur le réseau, dans l’autre cas il faudra en changer l’ensemble…
La corrosion par crevasses – ou corrosion caverneuse ;
Elle se forme généralement dans des volumes localisés exposés à une solution corrosive stagnante. À la différence de la corrosion par piqure, le volume protégé n’est pas lié à un dépôt de produits de corrosion, mais se forme dans des volumes tels que les joints, filetés ou rainurés.
La lixiviation sélective ;
Elle se caractérise par la disparition préférentielle d’un composant d’un alliage, laissant un résidu, généralement poreux, d’un élément plus résistant à l’environnement. Dans le cas des réseaux de protection incendie, on pourra ainsi noter la dézincification des têtes sprinkler en laiton, alliage composé de cuivre et de zinc. Un autre exemple communément rencontré est la corrosion graphitique des conduites d’eau en fonte grise[4].
La corrosion par érosion ;
Elle est causée par l’action abrasive de fluides en mouvement, généralement accéléré par la présence de particules solides ou de matières en suspension. Lorsque la corrosion se produit simultanément, le terme érosion-corrosion est souvent utilisé. L’érosion apparaît généralement de manière directionnelle sous forme de rainures, de vagues, de ravines, de trous ronds et de vallées.
La fissuration induite par l’environnement ;
Elle résulte de « l’interaction combinée et synergique de la contrainte mécanique et des réactions de corrosion dans un matériau sensible et la fissuration peut se produire à des contraintes bien inférieures à la limite d’élasticité du matériau »[5]. C’est un cas particulier contre lequel il est difficile de se prémunir.
La corrosion intergranulaire ;
Celle-ci a lieu au niveau des joints de grains alors que le reste de la matrice n’est pas attaquée[6].
La corrosion sous influence microbiologique (CIM) ;
Comme on pourrait s’y attendre, elle est causée par des micro-organismes tels que des algues, bactéries, champignon et/ou leur métabolisme. L’élément central de cette corrosion est la formation d’un biofilm à la surface d’un métal. Il peut ainsi stimuler la réaction anodique par des métabolites acides, ou encore la réaction cathodique par la production microbienne d’un réactif cathodique tel que le sulfure d’hydrogène. FMG considère que ce mécanisme est responsable de 10 à 20% des dégâts liés à la corrosion. Les dépôts qui sont générés sont en effet susceptible de boucher les têtes sprinklers.
Quels sont les environnements propices à la corrosion ?
Il existe de nombreux endroits qui favorisent la corrosion externe des tuyauteries et des sprinklers sensibles à la corrosion externe. Voici quelques exemples courants :
- Les zones contenant des engrais ou du fumier (enclos pour animaux). De façon générale, toutes les ambiances riches en ammoniaque
- Piscines ou zones contenant des produits chimiques pour piscine ; de façon générale, toutes les ambiances riches en chlore
- Zones proches de l’océan exposées à l’air salé extérieur.
- Tuyaux en contact avec le sol, en particulier dans les sols acides ou pollués.
- Zones d’humidité excessive.
Dans ce type d’environnement, comme il est difficile de changer le monde, on préférera s’assurer que les équipements installés sont bien résistants à la corrosion.
Comment prévenir le risque de corrosion dans les réseaux sprinkler ?
Prévenir totalement le risque de corrosion est illusoire ; un réseau à une durée de vie maximale. Cependant, il est possible d’allonger cette durée de vie en suivant les recommandations suivantes :
Quels matériaux choisir pour limiter la rouille?
La base consiste à choisir des matériaux en adéquation à l’agressivité de l’environnement. Certains types de tuyaux sont plus résistants à la corrosion, comme le plastique, le cuivre ou l’inox. Souvent utilisé, l’acier galvaniser est maintenant remis en cause. Les tuyaux en acier galvanisé ont des parois recouvertes de zinc. Ce dernier, plus réactif que l’acier, est destiné à servir de matériau sacrificiel à la corrosion. Il se créée ainsi une couche protectrice de tartre isolant de l’intérieur la canalisation. Cependant, la corrosion autour de petits trous dans le zinc peut en fait provoquer une défaillance plus rapide des tuyaux galvanisés que de l’acier noir. Une attention toute particulière à la continuité de la galvanisation est de mise ! Enfin, il existe des innovations comme les tubes incluant des polymères. Une autre logique peut être de mettre en œuvre des canalisations plus épaisses : la corrosion aura besoin de plus de temps pour la traverser.
La tête sprinkler doit aussi faire l’objet d’une attention particulière. Les têtes peuvent ainsi être chromées (1), recouvertes de polyester, de PTFE (téflon) (2) ou de cire (3), voir être en acier inoxydable (4).
Extrait du bulletin d’information VIKING
Le surcoût généré au départ doit être vu comme un investissement très rentable. Il permet de conserver l’installation plus longtemps et d’accroître sa fiabilité.
Que faire lorsque l’eau est corrosive par nature
La corrosivité de l’eau est intimement liée à ses paramètres physico-chimiques. La quantité d’éléments dissous tels que les gaz (02, C02), les minéraux (Chlorures, sulfates), le pH, l’alcalinité et la dureté de l’eau (présence du calcaire et magnésium) sont les principaux critères à vérifier. Par ailleurs, il sera possible d’identifier les marqueurs de présence de micro-organismes indiquant une corrosion microbiologique.
Dans le cas de réseau contenant de l’antigel, il sera pertinent de s’intéresser à la conductivité de l’eau. Ainsi, les antigels à base de glycol se caractérisent par une augmentation de la conductivité par rapport à de l’eau municipale. Les antigels à base de glycérine seront sur ce point plus performants.
L’analyse de la qualité est particulièrement importante si l’eau utilisée n’est pas une eau traitée type eau potable. Si les résultats de l’analyse sont mauvais, il est possible de traiter l’eau avec des additifs chimiques. Il sera conseillé de surveiller de près l’état de corrosion du réseau. Si le réseau est neuf, nous vous conseillons de privilégier des détecteurs de corrosion en ligne. Sur des réseaux existants, il faudra réaliser des campagnes de mesure de façon récurrente. Ce sur dernier point, nous pouvons vous y aider 😉
Comment réduire le risque de corrosion dans les réseaux en eau ?
Les réseaux en eau sont exposés au risque de présence de poches d’air piégées dans le réseau. La solution consiste donc à installer un évent pour permettre l’évacuation de l’air. On limite ainsi l’oxygène disponible dans le réseau. Cette disposition est peu onéreuse et donc particulièrement pertinente.
Comment réduire le risque de corrosion dans les réseaux sous air ?
À l’inverse des canalisations en eau, on va ici chercher à évacuer non l’air, mais l’eau. Pour cela il faudra impérativement que la conception prévoie des points de vidange à chaque point bas du réseau. Pour les réseaux contenant de l’air sous pression, il sera pertinent de remplacer l’air par de l’azote ; en réduisant le taux d’oxygène, on réduit efficacement le taux de corrosion. Pour cela il sera conseillé d’installer un générateur d’azote. Plusieurs modèle existent, ceux basés sur des bouteilles et ceux filtrant l’air ambiant. Cette disposition est peu commune en France, mais se développe aux États-Unis.
Comment prévenir la corrosion liée aux soudures ?
La méthode de soudure peut générer des faiblesses. Ces faiblesses peuvent se former dans deux cas. Lorsque la canalisation est formée à partir d’une plaque métallique roulée puis soudée, il faudra dans tous les cas orienter la soudure vers le haut. Lorsque deux tuyaux sont accolés, il faudra éviter de commencer ou finir la soudure dans la partie inférieure de la canalisation.
Par ailleurs, une attention particulière devra être apportée sur les aciers inox. Ils tirent leur résistance à la corrosion d’un film d’oxyde de chrome. Les soudures viennent endommager cette couche de protection. On identifiera cette faiblesse par une variation de couleur au niveau de la soudure (du jaune au bleu voir même noir en fonction de la température). Pour éviter cette apparition, il faudra privilégier des méthodes de soudures avec inertage[7]. Ceci reste en pratique difficile à mettre en œuvre dans un chantier classique.
Merci d’avoir lu cet article et n’hésitez-pas à commenter si des éléments vous semblent pertinent à ajouter.
Atossa vous accompagne tout au long de la vie de votre installation sprinkler, de la conception à sa réhabilitation. N’hésitez pas à nous contacter!
Nous n’avons aucun conflit d’intérêt avec les marques citées dans cet article. N’hésitez pas à nous contacter pour compléter notre florilège de bonnes solutions 😉
1 – https://fr.wikipedia.org/wiki/Pile_%C3%A9lectrique
2 – ASM Handbook, Vol. 13A, “Corrosion: Fundamentals, Testing, and Protection,” 2003 – DOI https://doi.org/10.31399/asm.hb.v13a.9781627081825
3 – https://fr.wikipedia.org/wiki/Corrosion_aqueuse#Corrosion_galvanique_(pile_%C3%A9lectrochimique)
4 – http://espace.inrs.ca/id/eprint/871/1/R001314.pdf
5 – Environmentally induced crack (EIC) initiation, propagation, and failure: A 3D in-situ time-lapse study of AA5083 H131 – Visweswara Chakravarthy Gudla et al – Corrosion Science, Volume 174, 2020, https://doi.org/10.1016/j.corsci.2020.108834
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